dimanche 7 février 2021

MUSIQUE DE CHAMBRE ( première partie)




pourquoi le mot "muselière" ne me revient pas ?


Pourquoi le mot muselière ne me revient pas, ce samedi soir fin janvier ? La grille de mots croisés présente pourtant un niveau accessible. Ce n'est pas couverture pour hot dog ...
Dans la nuit le mot m'est revenu. 
Au réveil, le dimanche matin est gris.
 Les réverbères éclairent des silhouettes nues d'arbres noirs. 
Un ensemble d'immeubles récents et plus anciens sont raccordés ensemble par des avenues internes, qui finissent en couloirs puis en chambre, ici 8304.
Je me suis distancié des autres cette nuit, par de simples boules Quies°. 
"Baillons de molosse" en 10 lettres n'aurait pas été adapté à la situation pour limiter les nuisances sonores.
L'orthopédie chirurgicale concerne aussi le très grand âge, dans les chambres voisines :des personnes qui ont passé l'âge d'être turbulentes. Mais au contraire de la quiétude cris peurs plaintes et gémissements se font entendre : une litanie de "j'ai mal j'ai mal j'ai mal....modulée par un long râle et reprise". 

La souffrance et l'isolement se conjuguent, je palpe un nouveau mal, d'une société qui a produit de l'hospitalisme....voilà maintenant le covidalisme qui nait ici et ailleurs.

Le couvre feu, les visites interdites à l'hôpital, le manque de contact ne rendent pas la solitude et la souffrance plus légères.

L'action de soigner, s'est éloigné de sa part d'humanité.

En retour, la compliance aux soins, s'éloigne de l'homme.

Le temps de la nuit à l'hôpital, nourrit aisément les angoisses profondes de l'homme et de sa finitude.

L'ambiance sonore d'ici pourrait elle redevenir  un facteur de guérison ?

Le monde du vivant est souvent bruyant, la chambre jouxte un local lave vaisselle pour bassines et urinal, les chariots s'annoncent pour certains par un son poussif, d'autres par des vibrations métalliques, un diable à moteur électrique transporte lit et patient vers les interventions, l'expérience du lit à grande vitesse c'est ici, sifflement de la propulsion électrique, et vent de couloir. Les sonneries d'appel des patients en difficulté, en besoin d'aide .. se répercutent avec des échos et des localisations digne d'un orchestre de musique de chambre. 
De jour comme de nuit, les soignants se saluent, font parfois des micros réunions,  ou s'interpellent, depuis les couloirs, parfois depuis les chambres aussi : "est ce que tu peux venir je suis à la 4". La nuit d'une chambre voisine un patient fait une remarque à une soignante qui lui répond : "Mais nous on travaille !" Dans les affaires à emporter n'oubliez pas les bouchons d'oreille !

Suggestion à l'administration : Merci de vous munir d'une pièce d'identité en cours de validité et d'apporter, vos clichés radiologiques, votre carte d'assuré social, vos résultats d'examens et des dispositifs de modération de la perception des bruits...

Les personnes en très grande difficulté avaient la porte de leur chambre ouverte, elles n'étaient pas en capacité d'utiliser la sonnette : "j'ai mal j'ai mal..." est venu m'interpeller. J'ai aussi été attentif à la mobilisation des soignants, leur usure parfois, leur désemparement, et leurs limites.

Nascimur inter faeces et urinam,  j'entends comme un miaulement humain . Un problème de diarrhée depuis plusieurs jours pour un patient nécessite un protocole de nettoyage drastique. Cette idée de désemparement des soignants excédés par les odeurs et la quantité. "je peux pas, je peux pas" me met en alerte. 
Une soignante qui a été dans l'action, dit "stop là, je dois faire pipi !", j'entends ses pas  d'éloignement,  puis son retour comme une guerrière après une permission.  Une permission que l'on ne s'autorise que par soi même.

1 commentaire:

  1. Hello Guy, toujours en verve, à ce que je lis ! L'épaule bloque un peu, mais pas la main... Et que dire de la tête, un vrai jongleur de mots, de maux ?... Même du latin, tu nous auras tout fait !
    Mireille est assez d'accord avec toi quant à ton analyse des bruits nocturnes dans les services de l'hôpital. Et Il n'y a vraiment que toi qui puisses trouver dans les bruits nocturnes d'un service, de la musique de chambre (peut-être un antalgique un peu trop fort ???... ou pas assez) ����

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