dimanche 8 février 2015

Steinbach hors les murs

vigne cote 425
"je suis le marin de tes yeux..." d'après Ouaknin, ce sont des  poèmes d'amour entendus à "la petite écharde" Didenheim.
Quant on naît alsacien, on a du mal à se représenter l’immensité de la mer. Se vivre en marin d'eau douce, peu se révéler un handicap, au moins pour le côté moqueur déployé par nos amis proches de la mer. Nous, nous traitons de marin de gouttière "Blachkanalisazion-mariner"!
C'est l'amour, plus souvent que la mer et l'océan qui nous font percevoir l'infiniment grand de ce monde !
Cette grâce qui nous vient de l'amour nous fait vivre alors comme des marins, renouvellement  des vagues, écumes, haut et débats, retrouvailles abandons, aventures, solitude, pour et contre toi..
.
 C'est le jour de la saint Valentin, il y avait des poèmes, des bouquets de fleur, des repas Roméo et Juliette, où mieux des menus cochonnailles, voir des soirées chansons zéro tiques. Mais ça c'était le soir.
Mais le matin ,beaucoup de personnes à Steinbach, et même pas pour l'apéritif littéraire, celui ci à été déplacer exceptionnellement à samedi 21 fevrier 10h30 à la buvette du Silberthal.

  L'identité du village se lit en partie, par ses constructions, la fin de l'aire industrielle a sonné ici et déplacé l'activité de l'usine du village vers la ville  de  Cernay, moins de pollutions, les cheminées se sont tues, les odeurs de solvants envolées et le bruits des aller-retour estompés. Mais la friche de l'usine est là ! Pas encore trop envahissante mais de quoi rêvons nous pour cet espace ?
Coup de projecteur sur le rose de la façade.  Quelques politiques sont venus saluer l’extension de la mairie qui s'inscrit maintenant dans le 21ème siècle avec son accès contemporain rattaché à de l'ancien. Dès a présent les personnes handicapées peuvent se rendre dans ce bâtiment public. Après le discours du maire contextualisant le village dans l'histoire et l'économie. D'autres ont titillé les peurs à entrer dans la grande région, comme si nous allions perdre notre identité liée au territoire communal et régional.
Quelques anciens ayant des difficultés motrices ont pu venir écouter les discours trop conservateurs voir racoleurs à mon gout, mais  c'est une avancée en soi,  c'est qu' il faut aussi ménager et aménager une place dans la France à ceux qui marchent avec des "béquilles". La notion de bien commun a encore du chemin à faire, avec des hommes politiques dont c'est le métier d'être réélu donc de plaire.

Le vitrage de l’extension de la mairie ne me plait pas. Je trouve que dans le choix du motif de sablage pour blanchir une partie de cette cage d'escalier en verre, la proposition esthétique pour que ça ne fasse pas serre, a un aspect trop industriel, certains y voient de l’emmental et Katrin Schweitzer avec son accent suisse  réagit en disant que ça lui plait bien à elle. Depuis je regarde cette partie de la mairie avec le sourire et cela modifie un peu mon point de vue.

samedi 7 février 2015

Bâle hiverne

Wettsteinbrücke Bâle
 Le début de février venteux nous incite à une balade culturelle. Le Kuntzmuseum est notre objectif de cette sortie sans baluchon. La traversée de cette ville et la recherche d'une place de stationnement pourrait nous refroidir, mais quelques repères acquis par des visites renouvelées dans cette ville berceau de la culture rhénane, ne nous font pas trop baliser.
fontaines Tingueli devant le théâtre
Le "Kuntz" va fermer ses portes pour des travaux d’extension. Il y a foule. Le hall d'accueil est une fourmilière, clochards artistes curieux et fins connaisseurs s'y retrouvent, le Bâle de carnaval pourrait s'y préparer.
Fin d'exposition rime avec verre de vin, le musée sent le fruit de la vigne, parfum rouge, servi en verre Bâle on.

Ne pas s'égarer, et retrouver les toiles phares, celles qui attirent mon regard et me font m'attarder,m'approcher, puis me distancer comme une sorte de dance devant les œuvres, un Bâle est.
Otto Dix "ses parents"
Retrouver la girafe qui brûle, le vent des premières hélices d'avion, des portraits de Lucas Cranach, les deux frères de Pablo, le chariot tiré par un cheval bleu qui intègre une échographie du futur poulain, croiser les parents d'Otto Dix et entendre le cor des Alpes. la girafe qui brûle est une des œuvres qui m' a marqué, depuis mes premières visites enfant au musée. Création et folie attirent mon attention, et j'ai toujours peur que cela s’éteigne.  Je suis même prèt à raconter des "balivernes".  
la girafe qui brûle Salvator Dali 

rectangle blanc

A coté de la girafe, et au premier plan il y a une femme à tiroir, qu'il vous faudra découvrir par votre propre recherche  cela a à voir avec la vision de Dali dans son rapport à la psychanalyse, l'inconscient comme un tiroir fermé que l'on peut ouvrir et refermer, et que l'on garde en soi. L’étayage m'a toujours intrigué,  peut-être que pour la tenue de l'ensemble, parce que  si un tiroir est ouvert il faut assurer que la personne tienne encore debout.
En langue française les tiroirs sont facilement ouverts "tire-voir"
et en langue allemande ils sont facilement fermé "schub laden" une boite qu'on pousse pour qu'elle soit fermée.
détail fontaine Tingueli


lundi 2 février 2015

baby love, 98 litres et 4 étoiles

Fiction construite avec des faits réels et d'autres sortis de mon imagination, les descriptions des personnes  y sont brodées, et très librement inspirées  

C’est une petite foire de la création locale, qui a lieu dans mon environnement, c’est un rassemblement populaire au pavillon des enfants. Il fait bon s’y retrouver ! L’hospitalité n’est pas un vain mot.

 La question « qu’est-ce que tu deviens ? » ; y est facilement remplacée par « qu’est-ce que tu fabriques ? » qui devient centrale et visuelle. Montrer et échanger pour ceux qui exposent et regarder et changer pour les visiteurs. Autour de ces rencontres le visuel est important,nos yeux sont curieux et investissent  cet espace à la recherche de petits trésors. Aussi l'ambiance sonore des échanges marquent la qualité des rencontres, joie,bienveillance sont  ici audibles.

Je retrouve  des gens du village, et des alentours, même des collègues, que j’aime croiser.

Un fabricant de crèche en bois fait se côtoyer les cabanes de naissance du p’tit Jesus avec des lieux d’aisance, reproduit en miniature avec le réalisme humoristique du « Neue Post » revue courante mais pas très confortable comme précurseur du papier d’hygiène. Il fait référence aux commodités de nos grands-mères…Le bruit de la chute des excréments dans la fosse fixe à une résonnance particulière.

Je retrouve chez un jeune ce que la sculpture est à l’écriture, des successions de boucles en fil de fer d’où naissent des volumes à 6 pattes. L’imagination commande à des doigts qui fourmillent.

Une toile abstraite fait se rejoindre deux ensembles de volumes en perspective au moyen d’un trait qui devient « pont ». Une goutte de métal fondu formant une tache brillante orne l’œuvre et vient rappeler que les maladresses, les petits accidents, peuvent aussi devenir éléments de  création. Travail d’intégration.

Une arche de Noé, aux belles proportions, habitées d’animaux aux couleurs douces me fait un clin d’œil du petit bonheur de vivre ensemble. Croisière sauvage très domestiquée.

J’y découvre une collection de voitures présidentielles, grandiose mais encore orpheline du scooter des visites malicieuses de François Hollande.


Retour au dernier temps de la préparation :
Je suis arrivé un peu en avance des exposants et des visiteurs, j’avais la clef du lieu. Mes occupations professionnelles envahissantes, mes engagements multiples, mon coté fouillis et fougue, et mon besoin de rêver, font que je coure encore, à la recherche de meilleurs développeurs de photo sur papier. A partir de clichés numériques c'est devenu rare. Après de nombreuses déceptions  je fini par une belle trouvaille à Sapinville.  Avec le numérique celui de la ville la plus proche a changé d’objectif, avec de nouvelles résolutions. A moins que ce soit des problèmes d’argent pour le développement des tirages c’est un ingrédient nécessaire.

Le silence de la grande salle  me rempli de sérénité pour cet accrochage de « Steinbach station lunaire » Le défit que je lance cette fois si encore, est d’inviter les visiteurs  à un détour présentable , avec des éléments saisis du réel visuel  et mêlés à une chronique parfois  rêvée et qui se voudrait un brin poétique.  Les aromes des bois glissent dans tes narines, le ruisseau chante accompagné de petits oiseaux, et  même du « cuculus canorus ». L’endroit est ombragé et le sol caillouteux, entre mauve et rose les lunaires fleurissent  là !

L’accrochage des textes et photos est réalisé.

Ma petite voix intérieure, distille maintenant une liqueur élogieuse qui m’enivre presque… Et
j’entends un grincement, je sort de ma rêverie, la porte du bâtiment au rez-de-chaussée s’ouvre. Je l’avais pourtant fermée à clef, derrière moi ! Des pas s’engagent dans les escaliers ils sont rythmés en cadence régulière, la résonance est particulièrement matte. J’entends le souffle court et quelques marques de fatigue.

C’est Moos ! Je la croise régulièrement, sa voiture dispose de chevaux supplémentaires, dont certains juste en décoration.  Elle est méticuleuse et dessine avec finesse et, avec les enfants elle fait la ronde.
 Je l’imagine reproduire en dessin des moteurs, aligner parfaitement des centaines de soldat, broder des fiches d’ordonnancement tant sa dextérité est virtuose. « Surinvestissement généreux »

 Elle se livre à un  exercice de marche presque douloureux vers sa table de travail, cherchant à apaiser une respiration encore un peu emballée. Son exposition s’appelle « Baby Love » et pourrai être sous titrée « faire des bébés toute seule ».

Sur la table, il y a des couches, de la layette et d’autres objets de puériculture avec des poupons.
Je me revois rapidement au cours  de mes études avec les filles de ma classe faire les travaux pratiques en blouse blanche : bain, soins, change. Ce décor me fait plonger en sciences médico-sociales, où ne pas avoir d’enfant était encore notre préoccupation principale en dehors de chercher à vivre ensemble garçons et filles.

Moos se met au travail. Sur une tête de nouveau né, elle applique au moyen d’un coton de la teinture pour pigmenter, de manière réaliste, un moulage aux volumes plus que vraisemblables.
Les membres du nouveau-né sont en séchage sur un support en bois qui m’évoque 4 tétines de vache. La pigmentation irrégulière est renforcée par la représentation du réseau sanguin apparaissant comme par transparence de la peau très fine des nouveau-nés. C’est d’un réalisme troublant.

attention ceci n'est pas un vrai !
photo"Betty Hampele"
Moos se relève encore avant la venue des visiteurs pour faire pénétrer et fixer l’application de pigment en passant la tête du petit,  au four.

L’uniformité classique des couleurs de poupon est ainsi rompue par un travail de précision : veines bleutées, les rougeurs et les grains de la peau inégaux, les plis ombrées. Elle me tend le crane encore imprégné de la chaleur de ce séjour au four, je chausse mes lunettes pour apprécier les détails, et j’y vois presque quarante ans de maîtrise du geste et d’entrainement.

Moos est ronde, toute ronde.
Des pensées fugaces m’avaient déjà effleuré, si elle était enceinte et bien ça ne se verrait peut-être pas ? Si les volumes pleins sont vides, qui fait le plein si ce n’est le vide ?  Maintenant je me demande si elle ne compense pas ce que nous appelons « l’attente d’un heureux événement » pour faire des bébés elle toute seule, comme des vrais ? Créer des bébés : une activité de reco- naissance !


Avec une de mes amies, je lui en ai commandé un. Comme le prix était élevé, nous avons opté pour un partage  du coût, aussi une garde alternée.
La livraison s’est accompagnée d’un certificat de né-sens et d’une sorte de livret de famille. La date de naissance correspond à quelques jours avant sa venue à notre foyer.
Elle s’appelle Flore.
Ses cheveux sont plus clairs que les miens qui ont foncé avec l’âge. J’en ai de moins en moins et curieusement, j’en ai perdu beaucoup ces derniers mois. Au toucher leur texture me parait réelle, je suis troublé.

Cette nuit, je n’ai pas bien dormi, il n’y a pas eu d’appel, j’étais de garde,  je me suis levé, parce que j’ai cru l’entendre crier, alors je l’ai mise au congélateur.

Elle y a retrouvé les ours en peluche de l’autre dame qui les entrepose pour neutraliser les acariens et entreprendre de la chirurgie réparatrice sur des chairs durcies par le froid. Elle les récupère, même en très mauvais état, certain ont des sacrés vécus, des sutures complexes sont souvent nécessaires, c’est un bon entrainement.
Avec docteur Pomme et docteur Sureau, nous allons demander dans la dotation du service un congélateur plus grand. 98 litres et 4 étoiles.

Guy Holder