Pontarlier,
le
19/07/2017
Je
ne sais pas si tout ce que je vais vous dire est la stricte vérité,
mais si cela peut vous aidez à construire votre propre vérité ou
au moins la croiser, alors j’aurai
fait un pas.
Pour
évoquer ma grand mère le premier souvenir dont j'ai envie
de vous parler est une odeur. Une odeur d'automne, une odeur de tarte
aux quetsches qui dégage un parfum généreux, sucré et acidulé.
Nous sommes en vacances à
cette époque jusqu'au
15 septembre,
Michel, mon frère et moi avec le grand-père et la grand-mère au
chalet à kirchberg.
Quelques
odeurs de cuisson me font un drôle
d'effet, un bonheur très fort , mélangé
à un
peu
de douleur.
Une
deuxième odeur, d'un souvenir antérieur à Village Neuf, la cuisson
des canards qui sont élevés sur
place pour
le foie gras. A coté de cela, l'odeur de rôtisserie
des poulets fait vulgaire, ici c'est de la haute couture et pas de
l'eau de toilette
de supermarché !
La
tarte aux quetsches,
elle rempli la lèche
frite et nous
en mangerons comme des affamés, comme un concours de vorace.
Ma
grand-mère était
pour nous une magicienne de la cuisine.
Elle nous demandait ce qu'on voulait manger. Pour nous c'était
inouï,
nous devenions des princes, ses princes !
Merci
Grand-mère !
Nous
on lui cueillait des mûres sauvages pour qu'elle nous fasse des
gelées.
L'amour
des bonnes choses l'aura accompagné pendant 96 ans
Pour
la grand-mère, le plaisir du petit déjeuner, toujours levée matin,
le pain beurre confitures l'aura accompagné et sera un de ses
rituels préférés. La magie des rayons de soleil captés par les
fruits et restitué, amplifiés dans les confitures.
Et
le café pendant plus de 70 ans elle aura consommé du café, un
champ de café, du "parfum noir et un peu d'eau" puis sur
le tard elle est passée au thé : « de l'eau parfumée ».
Déjà
de nature
"hyperactive" le café a été sa boisson.
Ce
n'est pas une grand mère tranquille.
Au
ménage, à la cuisine, elle ne se ménage
pas.
Quelque
chose lui vient en
tête,
une idée , elle ne le dit pas, elle se lève et le fait. le rapport
dire-faire penche vers le faire.
Tenir
son ménage ce n'est pas prendre des pauses langoureuses sur un
fauteuil confortable, c'est nettoyer, frotter
astiquer...
faire
les poussières...
Vous
vous rappelez le sol couleur acajou
presque noir, brillant comme un miroir dans la salle à manger des
casernes?
Chez
elle ça a toujours été propre, nickel comme un appartement modèle.
Avoir
eut un bon entretien pourrait être multi
sens...
la
vie ne l'a pas ménagée.
Elle
est venue au monde d'une mère de 17 ans . « Uri Mamama »
sa
mère s'était achetée ses premières
chaussures neuves à 12 ans après son premier salaire gagné à
l'usine.
La
vie n n'était pas langoureuse en 1921.
Elle
est née
dans l'univers du maraîchage
et cela implique de la lutte pour que les plantes qui doivent nourrir
et que l'on veut vendre, poussent !
Pour
la grand-mère pas de jardin d'enfant. se débrouiller toute seule le
plus vite possible.
Elle
se souvenait d'aller chez un voisin qui avait un phonographe
et quelques disques. Elle aimait écouter une
musique ou une chanson en particulier " Schwartzer Zigeuner"
-soit
c’est un tango
-soit
c'est une chanson triste d'une jeune femme en peine d'amour qui
demande au musicien tzigane de lui jouer du violon car lui seul
arrive à faire vibrer les cordes, comme son
cœur
pleure.
-
soit c'est l'histoire d'un tzigane, pour
qui le lointain
est connu, la nuit aussi. Tous
les jours il continue son chemin, il est libre comme le vent.
|
Maria Berardi née Antoinette Marie Eisenecker |
la
grand-mère a
toujours dit d'elle-même que son audition n'était pas très bonne.
Pour les mal entendus, il vaut mieux
être prévenu.
Un
dialogue pouvait parfois ressembler à deux monologues et puis au
téléphone son raccrochage ultra rapide m'a mis souvent face au
vide du silence.
La
parole ne sert que rarement à accompagner vers la sortie.
Elle
était déjà venue à Pontarlier.
Mais
elle
a commencé sa vie d’adulte
en Alsace, elle a été mère à 21 ans, ma mère est née à
Blotzheim. Elle
a accouché chez ses beaux parents, ça a
duré des heures, avec des voisines curieuses qui étaient là ! Et
elle dans la souffrance : « mater dolorossa ! »
Son
mari est enrôlé
dans l'armée allemande pour combattre sur le front Russe, il a
disparu.
Veuve à 23ans.
Elle
n'arrive pas seule à Pontarlier , mais avec Renée à la main...
Maurice
l'a revoit sur le quai de la gare. Il se rappelle d'elle avant, il
en a rêvé.
Il
a un physique d'acteur italien, et elle, elle
aurait
pu faire mannequin.
A
l'époque on aborde pas les filles directement,donc il demande à
l'un
de ses collègues de lui transmettre un rendez-vous.
Ce
dernier raciste, ne transmet pas le rendez-vous à la grand mère.
Mais
à la porte saint Pierre, à l'heure du rendez-vous ils se
rencontrent tous les 2.
« La
force de l'amour !! »
I
l est devenu mon grand -père . Ils forment un très beau couple, il
aura roulé en camion, et elle l'aura accompagné parfois.
Elle
faisait le ménage au magasin de vente et, chez les patrons : ménage
cuisine et soins aux enfants. Elle y allait en vélo, le garait pas
très bien, mais il n'y avait pas de vrai place, et cela signalait
qu'elle était là. Elle en a eu un d’écrasé et le lendemain,
il y avait un neuf.
Il
y a eu
Pierrette, ma tante.
Les
enfants deviennent adultes et c'est le temps des petits enfants, des
tartes aux quetsches
et des habits achetés, des cadeaux. je me rappelle
de pistolet à air comprimé, de chocolats
nestlés...
Des
repas interminables
aux grandes occasions : saumon
fumé cuisse de grenouille sole meunière, croute
aux morilles,
gigot ou canard , plateau de fromage et desserts
Et
la grand mère aux cuisines , au service, attentive , toujours en
action, agir, agir.
Une
partie
des week-end et de leurs vacances c'est à Village-neuf : il
faut aidé l'arrière grand-mère pour le maraîchage
et là-
bas, on ne rigole pas, on bosse ! " gûat
Kommandiart
esch,
ôlver
Gschaft
!"
La
grand mère disait j'ai toujours travaillé la semaine à Pontarlier,
et souvent à Village-Neuf le week-end.
La
grand-mère parlait alsacien et français
Le
grand-père italien
et français
les
vacances c'est à Rimini, parfois avec l'Adine et l’Oreste, et
parfois au chalet à Kirchberg et il y a aussi les piques niques dans
les bois près d'ici.
|
mars 1966 |
Un
truc géant que j'ai partagé avec la grand-mère c’est
les romans policier. Elle nous donnait des San Antonio, et
je
lisais ça à
l’age du
collège, mais nous nous battions presque mon frère et moi pour
savoir qui lirait en premier "brigade des mœurs"
qui se glissait parfois dans le nombre des
romans cédés.
Plus tard je lui
faisais
lire les romans policiers que j’appréciais,
elle a lu Henning
Mankel ,Thierry Jonquet et
beaucoup d’autres
...
Je
me faisais engueulé parce j'avais pas écrit ou pas téléphoné
pour les vœux
de la nouvelle année et c'était pas tendre !
Dans
notre vie d'enfant, d'adulte, de parents, elle nous a gâté
de sa présence, de sa générosité de ses cadeaux , des enveloppes
distribuées,
transformée en cuisinière modèle
châtelaine
de chez Godin , une
cuisinière de prince , chez
moi.
Les
arrières petits enfants débarquent : Il
y a eu Théo, puis Antony
.....
|
automne 1967 avec Michel et Nathalie |
Théo
à également été très gâté,
Théo
tu te souviens d’
un bateau pirate, d’un
château
-fort ? Anthony
je
crois que tu as reçu des
leggos, des
jeux pour chanter, faire de la musique et
toujours
avec
de l'amour et de la générosité.
Elle
aimait les pulls, les tasses à café... Regarder les photos
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avril 1997 |
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aout 1996 avec Théo |
Elle
était jeune ma grand-mère,
elle
faisait attention à sa ligne , son appartement n’était
pas un appartement de vieux , il est lumineux, joyeux
. Sur
le tard, en difficulté pour l’équilibre,
elle ne voulait
pas de cane, pas de déambulateur, peut
-être ? un peu par coquetterie ?
Grâce
à elle, on
pourrait aussi
écrire
un éloge de la vieillesse
Merci
à ses aides-ménagères, ses amis, ses anciennes voisines, à
Pierrette qui s’est décarcassée pour qu’elle puisse restée
jeune et même parfois bronzée, et à toute sa famille.
Au
revoir grand-mère
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avec Nathalie |
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avec Pénélope |