jeudi 20 juillet 2017

Pour ma grand mère

Pontarlier,
le 19/07/2017
Je ne sais pas si tout ce que je vais vous dire est la stricte vérité, mais si cela peut vous aidez à construire votre propre vérité ou au moins la croiser, alors j’aurai fait un pas.
Pour évoquer ma grand mère le premier souvenir dont j'ai envie de vous parler est une odeur. Une odeur d'automne, une odeur de tarte aux quetsches qui dégage un parfum généreux, sucré et acidulé. Nous sommes en vacances à cette époque jusqu'au 15 septembre, Michel, mon frère et moi avec le grand-père et la grand-mère au chalet à kirchberg.
Quelques odeurs de cuisson me font un drôle d'effet, un bonheur très fort , mélangé à un peu de douleur.
Une deuxième odeur, d'un souvenir antérieur à Village Neuf, la cuisson des canards qui sont élevés sur place pour le foie gras. A coté de cela, l'odeur de rôtisserie des poulets fait vulgaire, ici c'est de la haute couture et pas de l'eau de toilette de supermarché !
La tarte aux quetsches, elle rempli la lèche frite et nous en mangerons comme des affamés, comme un concours de vorace.
Ma grand-mère était pour nous une magicienne de la cuisine. Elle nous demandait ce qu'on voulait manger. Pour nous c'était inouï, nous devenions des princes, ses princes !
Merci Grand-mère !
Nous on lui cueillait des mûres sauvages pour qu'elle nous fasse des gelées.
L'amour des bonnes choses l'aura accompagné pendant 96 ans
Pour la grand-mère, le plaisir du petit déjeuner, toujours levée matin, le pain beurre confitures l'aura accompagné et sera un de ses rituels préférés. La magie des rayons de soleil captés par les fruits et restitué, amplifiés dans les confitures.
Et le café pendant plus de 70 ans elle aura consommé du café, un champ de café, du "parfum noir et un peu d'eau" puis sur le tard elle est passée au thé : « de l'eau parfumée ».
Déjà de nature "hyperactive" le café a été sa boisson.
Ce n'est pas une grand mère tranquille.
Au ménage, à la cuisine, elle ne se ménage pas.
Quelque chose lui vient en te, une idée , elle ne le dit pas, elle se lève et le fait. le rapport dire-faire penche vers le faire.
Tenir son ménage ce n'est pas prendre des pauses langoureuses sur un fauteuil confortable, c'est nettoyer, frotter astiquer...
faire les poussières...
Vous vous rappelez le sol couleur acajou presque noir, brillant comme un miroir dans la salle à manger des casernes?
Chez elle ça a toujours été propre, nickel comme un appartement modèle.
Avoir eut un bon entretien pourrait être multi sens...
la vie ne l'a pas ménagée.
Elle est venue au monde d'une mère de 17 ans . « Uri Mamama » sa mère s'était achetée ses premières chaussures neuves à 12 ans après son premier salaire gagné à l'usine.
La vie n n'était pas langoureuse en 1921.
Elle est née dans l'univers du maraîchage et cela implique de la lutte pour que les plantes qui doivent nourrir et que l'on veut vendre, poussent !
Pour la grand-mère pas de jardin d'enfant. se débrouiller toute seule le plus vite possible.
Elle se souvenait d'aller chez un voisin qui avait un phonographe et quelques disques. Elle aimait écouter une musique ou une chanson en particulier " Schwartzer Zigeuner"
-soit c’est un tango
-soit c'est une chanson triste d'une jeune femme en peine d'amour qui demande au musicien tzigane de lui jouer du violon car lui seul arrive à faire vibrer les cordes, comme son cœur pleure.
- soit c'est l'histoire d'un tzigane, pour qui le lointain est connu, la nuit aussi. Tous les jours il continue son chemin, il est libre comme le vent.
Maria  Berardi née Antoinette Marie Eisenecker
la grand-mère a toujours dit d'elle-même que son audition n'était pas très bonne. Pour les mal entendus, il vaut mieux être prévenu.
Un dialogue pouvait parfois ressembler à deux monologues et puis au téléphone son raccrochage ultra rapide m'a mis souvent face au vide du silence.
La parole ne sert que rarement à accompagner vers la sortie.
Elle était déjà venue à Pontarlier.
Mais elle a commencé sa vie d’adulte en Alsace, elle a été mère à 21 ans, ma mère est née à Blotzheim. Elle a accouché chez ses beaux parents, ça a duré des heures, avec des voisines curieuses qui étaient là ! Et elle dans la souffrance : « mater dolorossa ! »
Son mari est enrôlé dans l'armée allemande pour combattre sur le front Russe, il a disparu. Veuve à 23ans.


Elle n'arrive pas seule à Pontarlier , mais avec Renée à la main...
Maurice l'a revoit sur le quai de la gare. Il se rappelle d'elle avant, il en a rêvé.
Il a un physique d'acteur italien, et elle, elle aurait pu faire mannequin.
A l'époque on aborde pas les filles directement,donc il demande à l'un de ses collègues de lui transmettre un rendez-vous.
Ce dernier raciste, ne transmet pas le rendez-vous à la grand mère.
Mais à la porte saint Pierre, à l'heure du rendez-vous ils se rencontrent tous les 2.
« La force de l'amour !! » 
I l est devenu mon grand -père . Ils forment un très beau couple, il aura roulé en camion, et elle l'aura accompagné parfois.


Elle faisait le ménage au magasin de vente et, chez les patrons : ménage cuisine et soins aux enfants. Elle y allait en vélo, le garait pas très bien, mais il n'y avait pas de vrai place, et cela signalait qu'elle était là. Elle en a eu un d’écrasé et le lendemain, il y avait un neuf.
Il y a eu Pierrette, ma tante.
Les enfants deviennent adultes et c'est le temps des petits enfants, des tartes aux quetsches et des habits achetés, des cadeaux. je me rappelle de pistolet à air comprimé, de chocolats nestlés...
Des repas interminables aux grandes occasions : saumon fumé cuisse de grenouille sole meunière, croute aux morilles, gigot ou canard , plateau de fromage et desserts
Et la grand mère aux cuisines , au service, attentive , toujours en action, agir, agir.
Une partie des week-end et de leurs vacances c'est à Village-neuf : il faut aidé l'arrière grand-mère pour le maraîchage et là- bas, on ne rigole pas, on bosse ! " gûat Kommandiart esch, ôlver Gschaft !"
La grand mère disait j'ai toujours travaillé la semaine à Pontarlier, et souvent à Village-Neuf le week-end.
La grand-mère parlait alsacien et français
Le grand-père italien et français
les vacances c'est à Rimini, parfois avec l'Adine et l’Oreste, et parfois au chalet à Kirchberg et il y a aussi les piques niques dans les bois près d'ici.
mars 1966
Un truc géant que j'ai partagé avec la grand-mère c’est les romans policier. Elle nous donnait des San Antonio, et je lisais ça à l’age du collège, mais nous nous battions presque mon frère et moi pour savoir qui lirait en premier "brigade des mœurs" qui se glissait parfois dans le nombre des romans cédés. Plus tard je lui faisais lire les romans policiers que j’appréciais, elle a lu Henning Mankel ,Thierry Jonquet et beaucoup d’autres ...
Je me faisais engueulé parce j'avais pas écrit ou pas téléphoné pour les vœux de la nouvelle année et c'était pas tendre !
Dans notre vie d'enfant, d'adulte, de parents, elle nous a gâté de sa présence, de sa générosité de ses cadeaux , des enveloppes distribuées, transformée en cuisinière modèle châtelaine de chez Godin , une cuisinière de prince , chez moi.


Les arrières petits enfants débarquent : Il y a eu Théo, puis Antony .....


automne 1967 avec Michel et Nathalie
Théo à également été très gâté, Théo tu te souviens d’ un bateau pirate, d’un château -fort ? Anthony je crois que tu as reçu des leggos, des jeux pour chanter, faire de la musique et toujours avec de l'amour et de la générosité.


Elle aimait les pulls, les tasses à café... Regarder les photos
avril 1997
aout 1996 avec Théo
Elle était jeune ma grand-mère, elle faisait attention à sa ligne , son appartement n’était pas un appartement de vieux , il est lumineux, joyeux . Sur le tard, en difficulté pour l’équilibre, elle ne voulait pas de cane, pas de déambulateur, peut -être ? un peu par coquetterie ?
Grâce à elle, on pourrait aussi écrire un éloge de la vieillesse
Merci à ses aides-ménagères, ses amis, ses anciennes voisines, à Pierrette qui s’est décarcassée pour qu’elle puisse restée jeune et même parfois bronzée, et à toute sa famille.
Au revoir grand-mère









avec Nathalie

avec Pénélope



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