Fiction construite avec des faits réels et d'autres sortis de mon imagination, les descriptions des personnes y sont brodées, et très librement inspirées
C’est une petite foire de la création locale, qui a lieu
dans mon environnement, c’est un rassemblement populaire au pavillon des
enfants. Il fait bon s’y retrouver ! L’hospitalité n’est pas un vain mot.
La question
« qu’est-ce que tu deviens ? » ; y est facilement remplacée
par « qu’est-ce que tu fabriques ? » qui devient centrale et
visuelle. Montrer et échanger pour ceux qui exposent et regarder et changer
pour les visiteurs. Autour de ces rencontres le visuel est important,nos yeux sont curieux et investissent cet espace à la recherche de petits trésors. Aussi l'ambiance sonore des échanges marquent la qualité des rencontres, joie,bienveillance sont ici audibles.
Je retrouve des gens
du village, et des alentours, même des collègues, que j’aime croiser.
Un fabricant de
crèche en bois fait se côtoyer les cabanes de naissance du p’tit Jesus avec des
lieux d’aisance, reproduit en miniature avec le réalisme humoristique du
« Neue Post » revue courante mais pas très confortable comme
précurseur du papier d’hygiène. Il fait référence aux commodités de nos
grands-mères…Le bruit de la chute des excréments dans la fosse fixe à une
résonnance particulière.
Je retrouve chez un jeune ce que la sculpture est à
l’écriture, des successions de boucles en fil de fer d’où naissent des volumes
à 6 pattes. L’imagination commande à des doigts qui fourmillent.
Une toile abstraite fait se rejoindre deux ensembles de
volumes en perspective au moyen d’un trait qui devient « pont ».
Une goutte de métal fondu formant une tache brillante orne l’œuvre et vient
rappeler que les maladresses, les petits accidents, peuvent aussi devenir
éléments de création. Travail
d’intégration.
Une arche de Noé, aux belles proportions, habitées d’animaux
aux couleurs douces me fait un clin d’œil du petit bonheur de vivre ensemble.
Croisière sauvage très domestiquée.
J’y découvre une collection de voitures présidentielles,
grandiose mais encore orpheline du scooter des visites malicieuses de François
Hollande.
Retour au dernier temps de la préparation :
Je suis arrivé un peu en avance des exposants et des
visiteurs, j’avais la clef du lieu. Mes occupations professionnelles
envahissantes, mes engagements multiples, mon coté fouillis et fougue, et mon
besoin de rêver, font que je coure encore, à la recherche de meilleurs
développeurs de photo sur papier. A partir de clichés numériques c'est devenu rare. Après de
nombreuses déceptions je fini par une
belle trouvaille à Sapinville. Avec le
numérique celui de la ville la plus proche a changé d’objectif, avec de nouvelles
résolutions. A moins que ce soit des problèmes d’argent pour le développement
des tirages c’est un ingrédient nécessaire.
Le silence de la grande salle me rempli de sérénité pour cet accrochage de
« Steinbach station lunaire » Le défit que je lance cette fois si
encore, est d’inviter les visiteurs à un
détour présentable , avec des éléments saisis du réel visuel et mêlés à une chronique parfois rêvée et qui se voudrait un brin poétique. Les aromes des bois glissent dans tes
narines, le ruisseau chante accompagné de petits oiseaux, et même du « cuculus
canorus ». L’endroit est ombragé et le sol caillouteux, entre mauve et
rose les lunaires fleurissent là !
L’accrochage des textes et photos est réalisé.
Ma petite voix intérieure, distille maintenant une liqueur
élogieuse qui m’enivre presque… Et
j’entends un grincement, je sort de ma rêverie, la porte du bâtiment
au rez-de-chaussée s’ouvre. Je l’avais pourtant fermée à clef, derrière
moi ! Des pas s’engagent dans les escaliers ils sont rythmés en cadence
régulière, la résonance est particulièrement matte. J’entends le souffle court
et quelques marques de fatigue.
C’est Moos ! Je la croise régulièrement, sa voiture
dispose de chevaux supplémentaires, dont certains juste en décoration. Elle est méticuleuse et dessine avec finesse
et, avec les enfants elle fait la ronde.
Je l’imagine
reproduire en dessin des moteurs, aligner parfaitement des centaines de soldat,
broder des fiches d’ordonnancement tant sa dextérité est virtuose.
« Surinvestissement généreux »
Elle se livre à
un exercice de marche presque douloureux
vers sa table de travail, cherchant à apaiser une respiration encore un peu
emballée. Son exposition s’appelle « Baby Love » et pourrai être sous
titrée « faire des bébés toute seule ».
Sur la table, il y a des couches, de la layette et d’autres
objets de puériculture avec des poupons.
Je me revois rapidement au cours de mes études avec les filles de ma classe
faire les travaux pratiques en blouse blanche : bain, soins, change. Ce décor
me fait plonger en sciences médico-sociales, où ne pas avoir d’enfant était
encore notre préoccupation principale en dehors de chercher à vivre ensemble
garçons et filles.
Moos se met au travail. Sur une tête de nouveau né, elle
applique au moyen d’un coton de la teinture pour pigmenter, de manière réaliste,
un moulage aux volumes plus que vraisemblables.
Les membres du nouveau-né sont en séchage sur un support en
bois qui m’évoque 4 tétines de vache. La pigmentation irrégulière est renforcée
par la représentation du réseau sanguin apparaissant comme par transparence de
la peau très fine des nouveau-nés. C’est d’un réalisme troublant.
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attention ceci n'est pas un vrai ! photo"Betty Hampele" |
Moos se relève encore avant la venue des visiteurs pour
faire pénétrer et fixer l’application de pigment en passant la tête du petit, au four.
L’uniformité classique des couleurs de poupon est ainsi
rompue par un travail de précision : veines bleutées, les rougeurs et les
grains de la peau inégaux, les plis ombrées. Elle me tend le crane encore
imprégné de la chaleur de ce séjour au four, je chausse mes lunettes pour
apprécier les détails, et j’y vois presque quarante ans de maîtrise du geste et
d’entrainement.
Moos est ronde, toute ronde.
Des pensées fugaces m’avaient déjà effleuré, si elle était
enceinte et bien ça ne se verrait peut-être pas ? Si les volumes pleins
sont vides, qui fait le plein si ce n’est le vide ? Maintenant je me demande si elle ne compense
pas ce que nous appelons « l’attente d’un heureux événement » pour
faire des bébés elle toute seule, comme des vrais ? Créer des bébés :
une activité de reco- naissance !
Avec une de mes amies, je lui en ai commandé un. Comme le
prix était élevé, nous avons opté pour un partage du coût, aussi une garde alternée.
La
livraison s’est accompagnée d’un certificat de né-sens et d’une sorte de livret
de famille. La date de naissance correspond à quelques jours avant sa venue à
notre foyer.
Elle s’appelle Flore.
Ses
cheveux sont plus clairs que les miens qui ont foncé avec l’âge. J’en ai de moins
en moins et curieusement, j’en ai perdu beaucoup ces derniers mois. Au toucher
leur texture me parait réelle, je suis troublé.
Cette nuit, je n’ai pas bien dormi, il n’y a pas eu d’appel,
j’étais de garde, je me suis levé, parce
que j’ai cru l’entendre crier, alors je l’ai mise au congélateur.
Elle y a retrouvé les ours en peluche de l’autre dame qui les
entrepose pour neutraliser les acariens et entreprendre de la chirurgie réparatrice
sur des chairs durcies par le froid. Elle les récupère, même en très mauvais état,
certain ont des sacrés vécus, des sutures complexes sont souvent nécessaires, c’est
un bon entrainement.
Avec docteur Pomme et docteur
Sureau, nous allons demander dans la dotation du service un congélateur plus
grand. 98 litres et 4 étoiles.
Guy Holder