A l'atelier d'écriture du mardi soir,
Jojo nous a accueilli et nous a proposé ce sujet :
Nous revenons d'une consultation
médicale, où le médecin nous a demandé : « vous
habitez où ? »
Nous lui répondions : « à
Steinbach !»
Il nous a dit : «alors, c'est grave ! »
Ça
se passe la nuit.
Une nuit avec très peu de lune.
Je suis tombé en
panne sur la rn 83.
Je croyais ma 2cv increvable.
Elle a toussé,
hoqueté et pour finir, elle a caler dans un râle d'agonie mécanique.
Le
démarreur tournait dans le vide sonore d'un entraînement qui ne
prendra plus jamais.
Alors je vais sur la route à pied. Laissant mon emballage de transport, là ou la panne l'a arrêté.
Je vais vers ce village
éclairé faiblement en flanc de colline.
Les immeubles qui bordent
la voie rapide sont désaffectés.
Je ne croise personne.
L'herbe
qui entoure les résidences est sèche.
Les lézardes des façades,
les volets aux peintures écaillés m'impressionnent.
L'éclairage
public est vacillant, un parking vide et une usine délabrée de
l'autre côté forment le signal d'accueil du cœur du village.
Des
broussailles, quelques squelettes d'arbres, des pieds de vigne
tortueux arrachés, du fil de fer barbelé de la guerre de 14, une
montagne d' écrans de télé entassés dispersent des ombres
inquiétantes.
L'usine n'avait plus servi
à
rien depuis longtemps, à part de dépôt.
Peut-être aussi de défouloir pour des adolescents allumés.
Une grande pancarte n'est lisible que de jour, mais je la connaissais par cœur elle vous
indique : Danger ! sol contaminé : présence d'acide
chlorhydrique, fluor, lithium, uranium et benzodiazépines.
On ne
peut pas tous partir de Steinbach.
J'y
avais acheté une maison, et maintenant j'y retournais avec cette
perte de mobilité. Le garagiste m'a proposé de remplacer le moteur
de ma 2 cv avec celui qu'il a trouvé sur un corbillard.
Il y a des moments dans la vie où l'on existe que là où on est.
Guy